Un talent à découvrir

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中国与非洲(法文版) 2017年8期

À l’occasion d’une exposition qui s’est tenue en juin dernier,dans la province du Zhejiang,71 œuvres d’art issues du plus grand bidonville d’Afrique,ont été présentées au public.CHINAFRIQUE s’est entretenu avec Faith Atleno Owinio, une peintre kenyane qui s’accroche à son rêve, malgré la pression sociale et fi nancière par Li Xiaoyu

Rose Fight,de Faith Atleno Owinio

NAIROBI, la capitale kenyane abrite le plus grand bidonville africain : Kibera. S’étendant sur seulement 2,5 km2, plus de 800 000 habitants y vivent dans des conditions très diff i ciIes, avec un revenu journaIier ne dépassant pas un dollar. Mais en dépit de tous ces problèmes, des artistes se battent pour exister aux yeux du monde. Faith Atleno Owinio, 27 ans, en fait partie.Née à Kibera, cette maman célibataire dirige une petite galerie d’art, où elle initie au quotidien une trentaine de jeunes. Sa technique, toute particulière, consiste à utiliser ses doigts à la place du pinceau, pour mélanger les pigments et peindre : sa manière à elle d’exprimer ses sentiments. Dans ses œuvres, elle réinterprète le monde qui l’entoure – Kibera, Nairobi, l’Afrique – et le monde idéal dont elle rêve. Artiste engagée, Faith dénonce aussi dans ses œuvres l’injustice, les discriminations et les pressions que subissent les femmes.

Des débuts laborieux

Issue d’une famille monoparentale de cinq enfants, elle doit s’occuper des siens dès son plus jeune âge. Avec le soutien d’une ONG, elle réussit à poursuivre ses études au lycée où sa créativité attire l’attention d’une enseignante, qui lui offre du matériel de peinture.

Sa passion peut désormais être entretenue, mais faute de moyens, elle ne peut suivre de cours d’art à l’université, et doit travailler dans des galeries d’art locales. Durant la journée, elle observe en cachette les artistes travailler sur leurs œuvres, et tente d’assimiler les connaissances et techniques de base. Le soir, faute de pigments, elle recrée dans sa tête le mélange de couleurs. « Bien que j’aie appris par moi-même la plupart du temps, je me sens reconnaissante envers tous les artistes dans ces galeries. Les observer a changé beaucoup de choses pour moi », conf i e Faith.

Après un an à ce rythme, Faith se sent enf i n prête à exposer son travail. Mais rien ne se passe comme prévu… Elle est dépossédée de ses œuvres par un agent qui lui fait miroiter une exposition en Australie.La gaIerie fi nit par faire faiIIite, et Ie projet de I’artiste s’envole. Elle se retrouve désormais contrainte de gagner sa vie en travaillant comme serveuse dans un restaurant. Mais sa passion ne la quitte pas, malgré les épreuves. Après Ia naissance de son fi Is, eIIe découvre la galerie d’art Uweza. Un nouveau chapitre de sa vie professionnelle s’ouvre…

Si j’ai choisi de devenir peintre, c’est parce que je souhaite servir d’exemple à toutes les jeunes fi lles dans les bidonvilles qui partagent les mêmes aspirations. Je voudrais leur montrer que devenir enseignant ou faire des affaires n’est pas le seul moyen de sortir de la pauvreté. On peut aussi faire la différence avec l’art.

Faith Atleno Owinio, peintre kenyane

Une nouvelle vie à Uweza

En swahiIi, Uweza signif i e « I’aptitude », « Ie pouvoir ».De fait, cette galerie d’art fait partie des nombreuses initiatives de la Fondation Uweza, une ONG kenyane.Sa particularité tient dans le fait que tous ses programmes sont développés ou gérés par les Kenyans,et notamment par les habitants de Kibera, qui œuvrent à embellir leur communauté. À l’instar de Faith, qui a rejoint Ia gaIerie en 2014, pour fi naIement devenir responsable de son programme d’art.

À Uweza, tous les outils sont mis à la disposition des artistes. Un privilège pour Faith et la plupart des artistes locaux, qui n’y auraient pas accès autrement.De plus, les tableaux de Faith peuvent désormais s’exporter sur le marché local et international, à l’aide d’un réseau de vente organisé par l’ONG. « En fournissant aux membres de la communauté les ressources permettant de réaliser leurs idées, nous croyons que l’impact de notre travail sera durable »,af fi rme Jen Sapitro,directrice exécutive et co-fondatrice de la fondation. Un point de vue réaf fi rmé par Faith, qui assure :« Grâce à Uweza, l’art est devenu un choix de carrière viable pour moi. »

Elle est aujourd’hui l’une des douze artistes résidents de la galerie. En plus de concevoir leurs propres œuvres, Faith et ses collègues jouent également le rôle de formateurs et promoteurs de l’art de Kibera. Environ 30 adolescents, âgés de 12 à 15 ans, suivent des cours toutes Ies semaines à Uweza.Faith est responsable de ce programme, et explique les principes de base du dessin à ses élèves. « Peu d’écoles à Kibera intègre l’art dans leur programme.Les enfants ayant une vocation artistique manquent souvent d’opportunités pour développer et cultiver leur talent. C’est dommage pour eux », regrette-t-elle.« Avec Uweza, je sais que je peux changer les choses. »

Faith Atleno Owinio

Des obstacles à franchir

Mais Ies probIèmes fi nanciers ne constituent pas Ie seul obstacle pour l’artiste. En tant qu’ainée, elle aurait dû assumer la responsabilité de s’occuper de toute sa famille. À leurs yeux, devenir artiste est donc loin d’être un choix raisonnable et Faith a du mal à gagner leur soutien. De plus, elle doit aussi affronter certains préjugés vis-à-vis des femmes artistes. « Si j’ai choisi de devenir peintre, c’est parce que je souhaite servir d’exempIe à toutes Ies jeunes fi IIes dans Ies bidonviIIes qui partagent les mêmes aspirations. Je voudrais leur montrer que devenir enseignant ou faire des affaires n’est pas le seul moyen de sortir de la pauvreté. On peut aussi faire la différence avec l’art », assure-t-elle.

C’est ce qu’elle exprime dans ses œuvres, où elle dépeint des scènes de vie, le quotidien de Kibera, la joie,la peine et la femme africaine, dans toute sa beauté.« Quand j’étais petite, j’étais méprisée parce que j’étais plus foncée. Certaines personnes m’ont même fait ressentir que je n’étais pas belle. Mais je ne suis pas d’accord ! », clame Faith. « Le noir, à mon avis, peut être aussi une source inépuisable de beauté. C’est pourquoi je tiens à Ie montrer dans mes œuvres. Et j’en suis fi ère. »Au fi naI, I’histoire de Faith, I’artiste de Kibera, est loin d’être un cas particulier. Car ces artistes issus des bidonvilles sont des milliers, en Afrique et à travers le monde. Au-delà de la lutte quotidienne pour assurer leur subsistance, les gens ont aussi des aspirations bien plus hautes. CA