Le sens du devoir

2017-08-07 07:55UneobsttriciennechinoiseluttecontrelecancerenpensantsespatientestunisiennesparLiuJian
中国与非洲(法文版) 2017年5期

Une obstétricienne chinoise lutte contre le cancer en pensant à ses patientes tunisiennes par Liu Jian

Culture et société

Le sens du devoir

Une obstétricienne chinoise lutte contre le cancer en pensant à ses patientes tunisiennes par Liu Jian

GUO Luping a dû manquer à sa promesse faite à

ses patientes tunisiennes. Cette obstétricienne chinoise a travaillé en Tunisie pendant quinze mois dans le cadre d’un programme chinois d’aide médicale. Lorsqu’elle est revenue dans sa région de la province du Jiangxi en 2016, cette gynécologue de 41 ans a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein au stade intermédiaire à avancé. Elle qui avait soigné de nombreuses patientes à l’étranger se voyait maintenant contrainte de prendre soin de sa propre santé.

Mme Guo a subi une intervention chirurgicale réussie peu après le diagnostic, mais a demandé à quitter l’hôpital après avoir subi une chimiothérapie. Son médecin, Xiong Qiuyun, un cancérologue de l’Hôpital N°3 de Nanchang, le chef-lieu de la province, s’était pourtant dit inquiet car elle n’avait pas été soignée plus tôt. Il l’a persuadée de suspendre son projet.

Aujourd’hui, bien qu’elle suive encore des traitements à Nanchang, Mme Guo dit avoir envie de retourner en Tunisie. « Avant de repartir pour la Chine, j’ai réservé mon billet de retour et promis à plusieurs de mes malades de les aider à accoucher », se rappelle-t-elle. « Malheureusement, je n’ai pas pu tenir mes promesses. Cela me met mal à l’aise. »

Un cœur bénévole

Avant d’aller en Tunisie, Mme Guo a travaillé au Service de maternité et de pédiatrie de la ville de Xinyu, dans le Jiangxi. Dès qu’elle a eu connaissance du programme d’aide médicale en Afrique, elle n’a guère tardé à se porter volontaire. Depuis 1973, le Jiangxi, comme beaucoup d’autres provinces en Chine, envoie des professionnels médicaux pour soigner les malades et fournir une formation aux médecins dans les hôpitaux locaux en Tunisie et au Tchad.

Selon Zhang Yue, directeur du Département de la coopération internationale de la Commission provinciale de la santé et du planning familial du Jiangxi, généralement, plus de 40 médecins et infirmiers sont sélectionnés tous les deux ans dans sa province pour constituer une mission médicale. Mais le recrutement de ses membres s’est avéré difficile. « Quand les médecins se rendent en Afrique pour un tel programme, ils ont probablement peur de prendre du retard par rapport à leurs collègues une fois revenus, en raison du développement rapide du secteur médical chinois », explique M. Zhang.

Mais pour Mme Guo, la décision de faire partie de la mission a été prise sans hésitation. « Si je me suis inscrite pour participer à ce programme, c’est parce que j’avais envie d’élargir mes horizons avec une expérience professionnelle à l’étranger, bien que je sache que ce serait dur, fatigant et même dangereux de travailler en Tunisie », avoue-t-elle àCHINAFRIQUE. En tant que membre de la XXIemission médicale chinoise envoyée en Tunisie, elle est allée travailler à l’Hôpital régional de Sidi Bouzid dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, dans le centre de la Tunisie. Malgré les conditions de travail difficiles et des problèmes de communication, elle s’est dévouée à ses patientes une fois sur le sol tunisien en 2014.

Un emploi du temps chargé

Situé non loin du Sahara, l’Hôpital régional Sidi Bouzid sert les communautés voisines dans un rayon de plus de 100 km2. Effectuant jusqu’à 500 femmes par mois, le service d’obstétrique où Mme Guo travaillait avait seulement trois médecins et une soixantaine d’infirmiers. Parmi les trois médecins, deux étaient d’origine chinoise. « Les Tunisiennes ont généralement quatre ou cinq enfants, mais le pays manque d’obstétriciens », selon Mme Guo.

En plus, il n’y a qu’une salle d’opération dans le service. Selon elle, il arrive quelquefois qu’une femme soit à l’intérieur pour accoucher, alors que plusieurs autres attendent à l’extérieur pour recevoir un traitement urgent. « Pour accroître l’efficacité, j’ai proposé de procéder à des opérations obstétriques dans d’autres théâtres disponibles, de sorte que plus d’opérations puissent être effectuées, gagnant un temps précieux pour les femmes attendant un accouchement urgent », remarque-t-elle. Si sa proposition a fait gagner du temps aux patientes, les médecins ont dû travailler sans relâche. « Tous les jours, nous nous engagions dans une course contre la montre, et quelquefois, je devais effectuer six ou sept interventions par jour », se rappelle-t-elle.

Lors de son séjour à Sidi Bouzid, Mme Guo restait toujours disponible sur appel pendant ses heures de repos. « Les Tunisiennes enceintes venaient à l’hôpital sur une charrette tirée par un bœuf ou un cheval. Quelques-unes marchaient même pieds nus pendant des heures pour voir un médecin. Commentpouvais-je les refuser ? »

En juillet 2015, elle a découvert une excroissance sur son sein gauche, qui a grossi en octobre, mais elle n’y a pas prêté attention. « Il y avait trop de malades et j’étais trop occupée pour m’inquiéter de mon problème », constate-t-elle. Cette obstétricienne expérimentée avait l’impression qu’il y avait un problème. En dépit de la détérioration de sa santé, elle a continué de travailler pendant cinq mois. « J’estimais que si je restais une journée de plus, je pourrais aider plus de malades, faire plus d’interventions, et sauver plus de vies. »

Guo Luping (sixième en partant de la droite), en compagnie d’autres professionnels de la santé chinois et de patients locaux, après des examens médicaux gratuits prodigués dans les zones rurales tunisiennes.

Sauver des vies

Mme Guo s’est souvenue d’une expérience inoubliable. À 4 heures d’un matin de mars 2015, une Tunisienne enceinte a été envoyée à son hôpital. Soudain, ses contractions utérines sont devenues plus fortes et plus fréquentes. Le rythme cardiaque fœtal est descendu à 80 pulsations par minute, un taux bien inférieur à la normale de 120 à 160 pulsations. Grâce à son expérience clinique d’environ 20 ans, elle a estimé qu’il s’agissait d’un cas de détresse fœtale aiguë. En d’autres termes, le fœtus n’avait pas suffisamment d’oxygène et pouvait mourir à tout instant. À un moment tellement critique, chaque seconde compte. Mme Guo a vite pratiqué une anesthésie locale et aidé à mettre au monde le bébé par césarienne. Heureusement, celui-ci a été sorti en toute sécurité de l’utérus de sa mère, où restait moins de 100 ml de liquide amniotique. À la surprise de tout le monde, le cordon ombilical entourait étroitement son corps. L’ensemble du processus a seulement pris trois minutes. La salle d’opération a été remplie de joie et le personnel médical a applaudi Mme Guo pour ses compétences professionnelles.

Guo Luping vérifiant l’état de santé d’une mère et de son bébé au service obstétrique de l’hôpital régional de Sidi Bouzid en Tunisie.

Laisser un héritage

Pendant son séjour dans le pays, Mme Guo a procédé à 496 interventions, et le taux de mortalité fœtale de l’hôpital a considérablement diminué. Son travail, aussi fatigant soit-il, a renforcé la confiance des habitants visà-vis des médecins chinois, ce qui a été particulièrement enrichissant pour elle. Bien qu’elle soit maintenant confinée à l’hôpital en Chine, son engagement à l’égard de ses patientes tunisiennes demeure ferme. « C’est la responsabilité d’un médecin de traiter les patients et je suis honorée et fière de faire partie de la mission médicale chinoise envoyée en Afrique », avoue-t-elle àCHINAFRIQUE. CA

(Cet article a été réalisé avec l’autorisation du projet de reportage Afrique-Chine du département de journalisme de l’Université du Witwatersrand.)

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