Que représentent les BRICS pour l’Europe ?

2023-09-06 00:26ParHEWENPING
今日中国·法文版 2023年9期

Par HE WENPING

Départ d’un cargo à destination du port du Cap (Afrique du Sud) depuis le terminal à conteneurs entièrement automatisé du port de Qingdao (Shandong), le 23 août 2023

Alors que le 15eSommet des BRICS s’est tenu du 22 au 24 août en Afrique du Sud, des pays européens, notamment la France, se sont mis à s’intéresser à cette plateforme de coopération Sud-Sud entre économies émergentes. En effet, des médias français ont rapporté que début juin déjà, le président français Emmanuel Macron avait évoqué l’idée de sa participation à ce sommet lors de son entretien téléphonique avec le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Une demande qui, selon des médias africains, a « surpris » l’hôte, car ce serait le premier dirigeant d’un pays du G7 à participer à un Sommet des BRICS.

Une influence croissante, un promoteur du multilatéralisme

Contribution à la croissance économique mondiale:les BRICS et le G7

SOURCE:FMI

Bien que le président français n’ait pas reçu d’invitation de la part du gouvernement sud-africain, son souhait même d’y participer est révélateur du fort attrait du mécanisme des BRICS, auquel une vingtaine de pays ont demandé leur adhésion. Reste à savoir pourquoi le président Macron voulait participer à ce sommet et ce que représente ce mécanisme pour la France et pour l’Europe.

Constatant l’influence grandissante des BRICS, M. Macron espérait, par sa participation à ce sommet, faire de la France un pont entre l’Est et l’Ouest afin de renforcer son influence interna- tionale. Les pays des BRICS, à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, s’étendent sur quatre continents et représentent 41,93% de la population mondiale. Ils représentent à présent 31,5% de l’économie mondiale, dépassant le G7 avec à sa tête les États-Unis, qui se cantonne autour de 30,7%. En 2022, ils possédaient 14,06% des droits de vote à la Banque mondiale et 14,15% des quotes-parts au FMI.

Guidé par les réunions annuelles des dirigeants, organisées par les États membres à tour de rôle, et soutenu par des réunions ministérielles des hauts représentants pour les affaires de sécurité et des chefs de la diplomatie, le mécanisme de coopération des BRICS a formé un cadre de coopération pragmatique à plusieurs niveaux dans des dizaines de domaines tels que l’économie et le commerce, la finance, la science et la technologie, l’agriculture, la culture, l’éducation, la santé, les échanges entre groupes de réflexion et les jumelages de villes. Il a une influence qui dépasse les frontières de ses pays membres, devenu une plateforme efficace pour promouvoir la coopération Sud-Sud, et une force constructive majeure pour tirer la croissance économique mondiale, améliorer la gouvernance mondiale et promouvoir le multilatéralisme et la démocratisation des relations internationales.

C’est précisément pour ces raisons que M. Macron, qui a toujours mis l’accent sur l’autonomie stratégique de l’Europe et le multilatéralisme, s’intéresse autant au mécanisme des BRICS, dans l’espoir de réduire le fossé entre le monde occidental et les pays émergents, et de renforcer le rayonnement international de la France. Face à la montée de la doctrine de la « nouvelle Guerre Froide » sur fond de concurrences entre grandes puissances, M. Macron espérait saisir l’occasion du sommet pour tâter le pouls des pays du Sud sur les grandes questions mondiales, telles que le conflit russo-ukrainien et le changement climatique.

Élargir l’autonomie stratégique européenne

Le développement du mécanisme des BRICS favorise l’élargissement de l’autonomie stratégique européenne. Ce concept d’autonomie signifie que l’Europe doit prendre son destin en main et se refuser à être un pion stratégique d’une puissance quelconque. L’Europe, qui a connu deux guerres mondiales, promeut son intégration en vue d’améliorer la sécurité collective et la gouvernance mondiale. De De Gaulle à Macron en passant par Chirac, de Schröder à Scholz en passant par Merkel, la France et l’Allemagne ne manquent pas de dirigeants engagés à promouvoir l’intégration et l’autonomie stratégique européenne.

Cependant, le chemin de son autonomisation est semé d’embûches, comme en ont témoigné le Brexit, la dévaluation de l’euro ou la montée du populisme de droite. Sur fond de conflit russo-ukrainien, l’autonomie stratégique de l’Europe a été remise en question de manière inédite. Alors que les hostilités ont repris sur le continent européen, l’UE, dénuée de capacités militaires, ne peut que dépendre de l’OTAN dirigée par les États-Unis. Cette dépendance a accentué le suivisme américain qui fait souffrir l’Europe également sur le plan économique. Le sabotage du gazoduc Nord Stream 2 a privé l’Europe de gaz russe bon marché, et l’UE ne peut qu’accroître sa dépendance vis-à-vis de l’énergie américaine, faisant des États-Unis son plus grand fournisseur de pétrole brut. En outre, en dépit de la crise économique en Europe, les États-Unis ont adopté leur Loi sur la réduction de l’inflation, qui prévoit des subventions massives pour inciter les industries vertes européennes à s’installer aux États-Unis, réduisant à néant la compétitivité européenne en la matière.

Tout cela pousse l’Europe à tourner son regard vers les pays du Sud, dans l’espoir de renforcer la coopération avec l’Afrique et les pays desBRICS pour trouver des alternatives à sa crise énergétique et raffermir sa confiance dans son autonomie stratégique. Lors de sa visite aux Pays-Bas en avril dernier, le président français a déclaré que la souveraineté européenne impliquait que l’Europe pouvait « choisir ses partenaires et façonner sa destinée plutôt que de n’être que le simple témoin de l’évolution dramatique du monde ». Le ministre français de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, a exprimé son soutien au président Macron dans une interview, estimant que sur les sujets économiques, financiers et géopolitiques, l’Europe doit avoir sa propre pensée stratégique, pas nécessairement la même que les États-Unis. Le président du Conseil européen, Charles Michel, tout en avouant que l’UE dépendait fortement de son alliance avec les États-Unis, a déclaré:« Mais si cette alliance suppose que nous suivions aveuglément et systématiquement la position américaine sur tous les sujets, c’est non. »

Des journalistes au centre de presse du 15e Sommet des BRICS, le 23 août 2023

C’est cette volonté de renforcer la souveraineté et l’autonomie stratégique européenne qui a poussé le président français et d’autres dirigeants européens à accorder de plus en plus d’attention au rôle des BRICS et à renforcer le dialogue et les liens avec ce mécanisme, dans l’espoir d’augmenter le poids de l’Europe dans la concurrence et les négociations avec les États-Unis. En d’autres termes, un bon mécanisme de communication entre l’Europe et l’organisation des BRICS est propice à ce que l’Europe se défasse de sa dépendance à l’égard des États-Unis.