Un modèle prometteur

2023-10-26 16:14ParTATYANAJOLIVET
今日中国·法文版 2023年9期

Par TATYANA JOLIVET

Le 15eSommet des BRICS en Afrique du Sud a suscité un intérêt mondial débordant dès l’annonce de sa tenue. Les médias internationaux ont été submergés d’analyses concernant le succès grandissant du format « BRICS Plus ». Un grand nombre de pays ont manifesté leur souhait de participer à ce sommet. Les « BRICS Plus » séduisent de par son approche novatrice de la coopération internationale qui préserve la souveraineté des membres tout en se concentrant principalement sur les enjeux économiques. L’accueil favorable réservé aux « BRICS Plus » découle de l’histoire du groupe BRICS, de sa structure institutionnelle et de l’élan qu’il prend à l’échelle mondiale.

Le modèle BRICS n’est pas le fruit d’une poignée de politiciens influents, mais est plutôt né de l’union de nations autour d’idées communes de développement économique. À ses débuts, il a servi de cadre d’analyse économique, sans laisser entrevoir la structure de coordination économique que nous observons aujourd’hui.

Une communauté plutôt qu’un bloc

L’idée de BRICS a été adoptée avec enthousiasme par les pays membres. La coopération s’est progressivement intensifiée et en 2023, des discussions sur l’introduction d’une monnaie BRICS ont même eu lieu.

La naissance du groupe BRICS sans la pression d’une centralisation excessive a façonné sa structure actuelle. Pas de traités contraignants, pas de cabinets aux intérêts politiques propres ; mais plutôt une coordination multilatérale continue. L’entité la plus centralisée du groupe BRICS est peut-être la Nouvelle banque de développement (NBD), inaugurée par les dirigeants des BRICS lors du 6eSommet au Brésil en 2014. Comme le souligne Zhu Jiejin, professeur à l’Institut des relations internationales et des affaires publiques de l’Université Fudan:« En termes de structure de gouvernance, la NBD diffère de la Banque mondiale car tous ses membres fondateurs ont des droits de vote égaux et aucun pays ne possède de droit de veto. » Cette structure institutionnelle reflète la philosophie des BRICS et est séduisante pour les petits pays en développement qui ont souvent du mal à se faire entendre sur la scène internationale.

L’évolution constante du mécanisme des BRICS, étroitement aligné sur la Charte des Nations unies, fait du groupe une communauté plutôt qu’un bloc traditionnel. En conséquence, les affaires intérieures des pays membres restent protégées, aucune contrainte politique n’est imposée et il n’y a pas de puissance hégémonique qui exerce une influence disproportionnée sur la direction du groupement.

L’histoire du modèle BRICS a illuminé sa structure actuelle décentralisée. Et c’est précisément cette structure institutionnelle unique qui séduit de nombreux pays en Afrique et dans le reste du Sud.

Ouvrir les portes

La Chine a préconisé l’expansion des BRICS vers le format « BRICS Plus » en invitant 13 économies en développement à se joindre au Sommet des BRICS en 2022. Les pays africains avaient déjà renforcé leurs liens avec les BRICS, avec 18 de ses dirigeants et plusieurs organisations régionales africaines invités au Sommet de 2018 à Johannesburg, en Afrique du Sud. L’adoption du suffixe « Plus » a largement ouvert les portes.

En prenant la présidence en 2023, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a affirmé qu’il saisirait cette opportunité pour promouvoir les intérêts de son continent. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a fait écho à ces sentiments, affirmant que la Russie accueille favorablement cette évolution. Sans surprise, plusieurs gouvernements africains, dont l’Algérie, l’Égypte, le Nigeria, le Soudan et le Zimbabwe, ont demandé à adhérer.

Au-delà de l’attrait des « BRICS Plus », des nations sont également incitées à se joindre. La pression s’accroît à mesure que le mécanisme de coordination internationale établi se débat avec l’évolution des rapports de force. À une époque où le modèle « BRICS Plus » offre des investissements, des attitudes coloniales perdurent, comme le montre le cas récent de l’expulsion du haut diplomate allemand au Tchad. De même, alors que l’Ouganda défend son droit souverain de protéger les valeurs familiales, les politiciens américains menacent de sanctions et de réduction de l’aide.

Plus largement, les observateurs remarquent que l’utilisation de sanctions unilatérales, la militarisation du commerce et la promotion d’une culture mondiale libérale- progressiste par les États-Unis et leurs alliés incitent les États non alignés à renforcer leurs liens avec les BRICS. Comme le souligne Oleg Yanovsky, un éminent spécialiste russe des affaires étrangères, l’Occident offre une « bifurcation entre nous et eux », tandis que les initiatives internationales de la Chine, de la Russie et des BRICS offrent la possibilité de rester non aligné. C’est cet élément qui pousse les pays en développement à rejoindre les BRICS.

De plus, la dynamique des BRICS agit comme un aimant pour le groupement. Les chefs d’État observent où vont leurs partenaires et voisins et les bénéfices du développement décentralisé qu’ils reçoivent, et veulent naturellement faire partie de la communauté. Même avant son expansion, le groupe BRICS représentait un quart du PIB mondial et 41% de la population mondiale. Le succès économique de chaque membre, y compris la Russie, dont l’économie se développe malgré des sanctions occidentales sans précédent, motive les pays du Sud à vouloir faire partie de cette histoire de croissance. Une communauté prospère, en croissance rapide et décentralisée est une communauté que les pays en développement devraient souhaiter rejoindre. Il n’est donc pas surprenant qu’ils cherchent à participer.

Le monde se trouve au seuil d’un changement de paradigme dans les relations internationales. Bientôt, il n’y aura plus de dualité de pouvoir majeur ou d’hégémonie unipolaire, mais un large spectre d’États en développement rapide à travers le monde.Chaque époque nécessite son modèle de coordination internationale.

Alors que le monde devient multipolaire, la communauté « BRICS Plus » s’agrandit. Le rejet explicite de l’ingérence dans la politique et la culture intérieures, le refus de laisser les questions de sécurité nationale affecter le commerce, l’opposition à la militarisation du groupe ou à sa position contre d’autres organisations attirent de nombreux pays.

Et ce qui souligne combien le modèle « BRICS Plus » annonce un nouveau paradigme, c’est que son origine n’est pas ancrée dans le conflit, mais dans la coopération. Ce modèle est parfaitement adapté au changement de paradigme à venir, passant d’une politique unipolaire à un monde composé de nombreux pôles de développement et de diverses civilisations.