Nouvelles dynamiques sociales en Afrique

2017-08-07 07:55DesstratgiespourlesfugietlescommunautparAggreyMutambo
中国与非洲(法文版) 2017年5期

Des stratégies pour les réfugiés et les communautés par Aggrey Mutambo

Reportages d’Afrique

Nouvelles dynamiques sociales en Afrique

Des stratégies pour les réfugiés et les communautés par Aggrey Mutambo

Nous avions fait une étude précédente sur la situation des réfugiés en Afrique et nous avons découvert que les communautés d’accueil sont plus mal loties que les réfugiés eux-mêmes et qu’il y a eu beaucoup de lacunes dans le développement.

Varalakshmi Vemuru, spécialiste du développement social à la Banque mondiale.

DADAAB, situé dans le comté de Garissa au

Kenya, à proximité de la frontière avec la Somalie, est le plus grand camp de réfugiés au monde, d’après le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), avec près de 257 000 réfugiés. Cette ville de réfugiés, peuplée majoritairement de Somaliens, a été établie en 1993 et si c’était une ville normale, elle serait la 4edu Kenya, avec une économie annuelle de 100 millions de dollars constituée de financements de donateurs.

Par ailleurs, depuis 1991, le camp de réfugiés de Kakuma dans le comté de Turkana au Kenya abrite ceux qui ont fui la guerre au Soudan du Sud, en Somalie, en République démocratique du Congo et au Burundi. D’après l’UNHCR, le camp compte 160 000 réfugiés. Les pluies y sont cependant rares, et la sécheresse fréquente.

Revoir les mesures humanitaires

Comme partout dans le monde, les camps de réfugiés sont souvent situés dans les quartiers pauvres où les infrastructures sont quasi-inexistantes. Au Kenya, par exemple, les camps de Kakuma et de Dadaab sont dans des zones arides et souvent victimes de la sécheresse.

Après avoir donné pendant des années, les donateurs admettent maintenant que les mesures humanitaires dans les camps au Kenya – comme beaucoup d’autres en Afrique – n’aident pas les réfugiés, pendant que les communautés d’accueil doivent apprendre à se débrouiller seules.

Selon Raouf Mazou, représentant de l’UNHCR au Kenya, l’envoi de l’aide aux réfugiés coûte cher, et ils s’habituent à l’aide humanitaire. Ils ne peuvent s’en départir même si leur condition s’améliore une fois de retour chez eux. « Les soins dans les camps ne sont plus durables financièrement, car l’aide financière qui était immédiatement disponible pour les besoins humanitaires n’est pas suffisante. ll y a de nombreuses crises de par le monde aujourd’hui », a-t-il dit àCHI-NAFRIQUE. « Mais nous avons vu des conséquences imprévues de l’assistance des gens dans les camps. La plupart finissent par être incapables de faire quoi que ce soit par eux-mêmes. »

En février, la Banque mondiale et l’UNHCR ont publié un rapport montrant que certains dans les communautés d’accueil en Afrique espéraient être des réfugiés, car elles se sentaient abandonnées quand l’aide humanitaire est prodiguée dans les camps. Le rapportIn My Backyard? The Economics of Refugees and Their Social Dynamics in Kakumaétudie les modes de vie des populations dans et autour de Kakuma et montre que les réfugiés contribuent davantage au bien-être de la zone s’ils sont intégrés dans les communautés d’accueil. Ils habitent dans les zones faiblement développées, explique le rapport, et donc, « on doit accorder la même attention au développement de ces zones » et passer du financement d’urgence à l’aide au développement à moyen-long terme.

Il s’agit d’une nouvelle stratégie, un changement de paradigme selon la Banque mondiale, consistant à canaliser l’aide vers les communautés d’accueil plutôtque vers les réfugiés, et tenter de modifier les attitudes à leur égard. « L’intégration des réfugiés dans l’économie génère des effets économiques agrégés et les diffuse dans tout le Kenya », selon le rapport.

Une manne financière de 2 milliards de dollars

En décembre 2016, la Banque mondiale et d’autres donateurs ont lancé un programme de 2 milliards de dollars pour aider les communautés d’accueil et les réfugiés en Afrique, et l’Ouganda, l’Éthiopie, le Nigéria, le Cameroun et le Rwanda, qui accueillent des réfugiés, en bénéficient. « Nous avions fait une étude précédente sur la situation des réfugiés en Afrique et nous avons découvert que les communautés d’accueil sont plus mal loties que les réfugiés eux-mêmes et qu’il y a eu beaucoup de lacunes dans le développement », a déclaré à CHINAFRIQUE à Nairobi, Varalakshmi Vemuru, spécialiste du développement social à la Banque mondiale.

D’après la Banque mondiale, ce projet de cinq ans vise à aider la communauté d’accueil pour « combler le fossé de développement » en aidant les communautés pastorales locales à Turkana à adopter des pratiques orientées vers les marchés. La banque prévoit d’approuver un projet de 100 millions de dollars dans les deux camps en avril, qui devrait tester l’efficacité de ce programme. Des financements additionnels dépendront de la « capacité d’absorption » dans ces deux comtés, a déclaré un responsable de la Banque mondiale.

Le projet débutera à Dadaab puis à Kakuma, et la Banque mondiale va allouer les fonds via les autorités locales pour leur optimisation. « Les camps de réfugiés ont souvent été isolés des locaux. Vous pouviez constater qu’ils avaient tout et les locaux s’en plaignaient. Certains pensaient même que c’était bien d’être un réfugié car ils voyaient les gens dans les camps recevoir de l’assistance », a fait savoir le gouverneur de Turkana Josephat Nanok à CHINAFRIQUE. « Nous voulions innover et je pense que le monde entier pense à de nouvelles stratégies pour aider les réfugiés et les communautés locales. »

Les réfugiés, une question émotionnelle

M. Mazou pense que la nouvelle stratégie va apaiser certaines tensions entre les réfugiés et les locaux, et permettre aux pays d’accueil de bénéficier des compétences des réfugiés. « Nous devons nous assurer que nous ne perdons pas les opportunités, les talents et les ressources chez les réfugiés », a-t-il remarqué.

Les experts estiment que s’il est important que l’aide aux réfugiés parvient aux communautés, les gouvernements d’accueil doivent néanmoins trouver un compromis entre leurs obligations humanitaires et les solutions à long terme. « Un gouvernement d’accueil doit d’abord avoir ses propres priorités, ce qu’il souhaite en accueillant les réfugiés. Sinon, ce sera une cour de récréation », a remarqué Abbas Gullet, secrétaire général de la Croix Rouge au Kenya. « L’aide et le développement ne doivent pas être séparés. » CA

Un enfant à l’hôpital de Médecins Sans Frontières, dans le camp de réfugiés de Dadaab, au Kenya.